Geopolitica
iles Spratly

Perdus dans la mer de Chine du sud, quelques ilots font l'objet d'une âpre dispute.Le conflit de l'archipel des Spratly pourrait être la cause d'une déstabilisation de toute l'Asie du sud-est. Mon but est d'éclaircir ce problème d'un point de vue historique pour permettre une meilleure compréhension de l'évolution du conflit dans les années à venir.

  • Géographie des îles Spratly
  • Histoire des îles Spratly
  • L'enjeu des îles Spratly
  • Les issues du conflit
  • Actualité
  • Liens et ressources

Géographie des Spratly

Les îles Spratly se trouvent dans la Mer de Chine du sud, elles sont composées d'une centaine d'îlots, atolls et autres rochers. Elles sont situées à 400 miles à l'est du Vietnam, 800 miles au sud de l'île chinoise de Hainan, et 16 miles au nord de l'île de Bornéo.

Coordonnées géographiques : 8 38 N,111 55 E

Superficie : elles occupent 70000 miles2 d'océan mais chaque île a une surface inférieure à 5 km2.

Ligne de côte : 926 km

Climat : tropical

Point le plus bas : 0m

Point le plus haut : 5m

Ressources naturelles : poisson abondant, réserve d'hydrocarbure (pétrole et gaz principalement) supposée très vaste. Ces îles sont inhabitées toute culture y est impossible, de plus les Spratly sont régulièrement balayées par des typhons.

L'importance des Spratly n'étant pas les îles elles-mêmes mais l'océan qui les entoure. Une loi sur la mer adoptée en 1982 par les membres de l'ONU stipule la création des ZEE (Zones Exclusives Economiques); cette zone s'étend jusqu'à 200 miles nautiques des côtes d'un pays. Celui qui déclare une ZEE, d'après l'article 56 du traité, peut souverainement explorer et exploiter le sous-sol sous-marin, il est aussi en droit de construire des îles artificielles. L'application de cette loi dans les Spratly montre que le contrôle d'une petite île entraîne la possession d'une large partie d'océan. Le problème est de définir ce qui différencie une île d'un rocher; le traité tente d'exclure toutes les îles ne pouvant accueillir d'habitations humaines autosuffisantes; mais dans la pratique il est très difficile d'appliquer cette règle. D'où cette course folle pour la possession de quelques rochers dans la mer de Chine.


Histoire du Conflit

L'histoire des îles Spratly (Nancha en chinois) remonte à la dynastie chinoise des Han où en 250 avant J-C des marins chinois auraient découvert cet archipel puis commencé un début de colonisation. En effet il est possible de retrouver quelques ruines de temples datant de cette époque sur la plus grande de ces îles Itu Aba (Taiping)? Mais il est beaucoup moins sûr que l'occupation se soit faite de manière continue par des colons chinois.

Après la chute des Han, les îles Spratly furent oubliées, hormis quelques notes sur des cahiers de bord par des marins chinois puis européens. En 1933 le gouvernement colonial francais en Cochinchine annexe officiellement l'ensemble des Spratly et des Parcelles; pas pour longtemps car en 1939 le monde entre en guerre.

La deuxième guerre mondiale et ses conséquences pour les Spratly

Taiping occupée par TaiwanLe Japon impérial comprend très vite l'importance stratégique de ces îles. Il y établit donc une base pour ses sous-marins, ainsi les Japonais contrôlent toute la Mer de Chine du sud, de Singapour à Taiwan.

La guerre mondiale pend fin avec la défaîte du Japon en 1945, mais alors que le sort de ces îlots n'est pas encore fixé par la communauté internationale, et malgré la guerre civile qui fait rage en Chine, le Guomingtang décide de réaffirmer la souveraineté chinoise en déployant quelques troupes sur la plus grande de ces îles Itu Aba (Taiping). 

La République de Chine (Taïwan) entretient toujours une garnison de 400 hommes sur cette île . Mais cette occupation ne fait réagir personne même pas les communistes chinois qui après leur victoire en 1949 sur Chang Kaichek ne se préoccupent pas de ces îlots. En 1951 à la conférence de San Francisco le Japon renonce officiellement à tous ses droits sur les Spratly, mais aucune résolution n'est prise en ce qui concerne leur attribution. La communauté intenationale juge sans importance le sort des archipels, on les oublie alors peu à peu.

Les débuts du conflit

En 1956, chose étrange dans l'histoire des relations internationales, un riche homme d'affaire philippin, Thomas Cloma, revendique la possession des Spratly à son nom. Meme si cette affaire n'aura pas de suite elle nous montre que les pays concernés, sans se prononcer officiellement, commence à s'intéresser de près au sort de ces îles.

Apres 13 ans le problème des îles Spratly ressurgit lorsque qu'en 1968 les Philippines occupent trois îlots, la course aux îles vient de débuter. En 1973 alors que la menace communiste pèse toujours sur le gouvernement sud-vietnamien, celui-ci décide d'envoyer des troupes sur 5 îles des Spratly cependant il perd le contrôle de l'archipel des îles Parcels au profit de la Chine; Mais ces 5 îles nouvellement acquises tomberont aux mains des communistes vietnamiens après la réunification du Vietnam.

Bataille navale dans les spratly

Dans les années 80 le conflit s'accélère, tous les pays côtoyant les îles Spratly de près ou de loin veulent une part du "gateau". De plus on commence à parler de vastes réserves en hydrocarbures autour des Spratly. La Malaisie occupe une île en 1983 puis trois en 1986.

Mais le plus important en 1986 est l'entrée de la R.P. de Chine dans la lutte; d'abord indirectement en envoyant des bateaux scientifiques pour sonder les fonds marins puis un an plus tard les Chinois débarquent sur Firey Cross et Cuarteron reef (voir carte), entrant par là-même en conflit direct avec le Vietnam. La Chine devient de plus en plus agressive, en effet le 14 mars 1988, elle décide de punir le Vietnam (pour avoir décroché un drapeau chinois sur une île nouvellement reclamée). Une petite bataille navale s'engage alors, celle-ci aboutira à la mort de 80 marins et la perte de trois navires vietnamiens .

A la fin de cette année le score est de 21 iles pour le Vietnam ,huit pour les Philippines, six pour la Chine, trois pour la Malaisie, une pour Taiwan et 0 pour Brunei. La tension des années 80 et en fait le reflet de la guerre froide en Asie où l'URSS alliée au Vietnam s'oppose à la Chine.

Signes d'apaisement

Après la chute du mur de Berlin d'une part et les évènements de la place Tian an'men d'autre part, la situation va s'apaiser on commence même à parler de conférences bilatérales pour une résolution pacifique du conflit. 

Les états protagonistes consolident leurs bases en construisant des structures scientifiques et militaires (ports,aeroports...) sur leurs îles, et s'accordent pour limiter leur expansion sur les Spratly lors du traité de Manille. Néamoins la Chine occupe deux nouvelles îles en 1992, puis en 1995 construit des structures sur une île située au large de Palawan (Mischief reef). Les Philippines réagissent en s'emparant des bateaux de pêcheurs chinois et en détruisant les constructions.  La Chine ne perd pas espoir et reprend ces construction en 1997, cette fois-ci les Chinois s'aprêtent a tenir un siège en construisant plusieurs forts sur Mischief reef (voir carte). construction chinoise sur Mischief reefLes Philippines non désireuses de rentrer en guerre avec la Chine protestent contre cet violation du traité de Manille (1992).

Ces dernières années n'ont pas engendré de nouveaux conflits armés, les pays semblent vouloir maintenir le statu quo, serait-ce un début de résolution pacifique ou bien le calme avant la tempête ?

Cette brève analyse historique nous laisse néanmoins une question en suspens : qu'est ce qui donne a ces îles une telle importance pour que 6 pays se les disputent âprement ? C'est donc l'enjeu du conflit qui sera développée dans la troisième partie.


l'Enjeu du Conflit

Revendications chinoises Comme nous venons de le voir dans la précédente partie de cette analyse, les îles Spratly font l'objet d'une âpre dispute depuis plus de trente ans. Néanmoins les revendications des états concernés ne sont pas toutes identiques.

La Chine (et Taiwan pour les même motifs) ansi que le Vietnam réclament la totalité des Spratly pour des raisons historiques. Les Philippines revendiquent 60 îles, la Malaisie seulement 6, alors que Brunei ne réclame que Louisa reef (voir carte) qui longe ses côtes. Ces trois états avancent la proximité de ces îles comme revendication. Ce qui en terme de loi internationale compte beaucoup plus que les raisons historiques.

La position stratégique des Spratly

L'achipel des Spratly ne pourrait être qu'un accident géographique dans la Mer de Chine du sud si seulement elles ne se touvaient pas sur la voie maritime la plus frequenté du monde. 

Route des petroliers en AsieEn effet plus de 25% de la production mondiale de pétrole traverse le detroit de Malaca (venant du Moyen-Orient et à destination du Japon et des USA). De plus le développement des pays membres de l'ASEAN (Association des Pays de l'Asie du Sud-Est) dépend des comunications maritimes de cette région.

Si un pays est souverain de l'ensemble des Spratly il peut légalement suprimer tout le trafic commercial à l'intérieur des eaux territoriales. Il ne détiendra pas seulement le contrôle des échanges économiques des pays de l'ASEAN mais aussi de l'approvisionement en pétrole du Japon et d'une partie des Etats-Unis.

La richesse minière des Spratly

Le deuxième fait qui donne au Spratly une telle importance est que tous les etats engagés dans la dispute sont persuadés de l'existence d'une vaste réserve de pétrole et de gaz naturel entourant les îles Spratly (17 millions de tonnes selon une source chinoise). Les pays membres de l'ASEAN voient dans cette richesse la clé de leur développement économique.

Ainsi le Vietnam, qui possède un des PDI les plus bas de la planète, à placé sa croissance sur l'exploitation du pétrole. En 1994 il se dote de sa propre indutrie pétrolière et exploite le site de Bach Ho qui représente un tiers du total de ses exportations, de plus le Vietnam à signé un accord avec la compagnie americaine Mobil pour tirer profit d'une concéssion autour des îles Spratly. Le Vietnam s'est donc placé dans une position où il ne peut se permettre d'abandonner ses revendications sur l'archipel des Spratly.

Même situation pour les philippines où leur croissance dépend à 95% des importations pétrolières, elles ont aussi accordé une licence à la compagnie americaine Vaalco Energy pour tirer profit des ressources situées sur Reed Bank (voir carte).

Brunei voit dans la possession de Louisa reef le moyen de prolonger sa richesse pétrolière qui s'épuise d'année en année. Taiwan et la Malaisie n'ont pas encore signé d'accord d'exploitation des Spratly mais ils espèrent bien aussi participer au partage de l'or noir.

Le point de vue de la R.P. de Chine est différent car elle clame en premier chef la possession des Spratly pour présever la sécurité de son territoire. Néanmoins les spécialistes chinois ont très vite compris que l'exploitation pétrolière des Spratly pourra remplacer celle du Xinjiang une fois sa réserve épuisée. Ceci lui permetra de poursuivre son fort développement économique au XXIe siecle. De plus la Chine proclame être le seul pays capable d'exploiter les Spratly sans recourir aux compagnies étrangères.

La présence d'hydrocarbure donne donc au conflit une nouvelle dimension. Cette ressource est qualifiée de vitale par les six pays pour leur développement économique, ceux-ci ne sont donc pas prêts à faire des concessions pour réduire les tensions dans région.

fortifications chinoise dans les SpratlyRisque de Guerre

Malgré la relative stabilité de la situation depuis quelques années, il est néanmoins impossible d'écarter la possibilité d'un conflit armé. Comme le montre John Vasquez dans son article "Steps to War" la dégénération d'un conflit en guerre s'effectue suivant quatre étapes: 

  • Recherche de sécurité 
  • Création d'alliance 
  • Course à l'armement 
  • Escalade du conflit

Nous avons vu ci-dessus que la première étape est franchie depuis les années 80, chaque état, hormis Brunei, a montré ses forces en occupant le plus d'îles possible. Le deuxième point est plus délicat ici car la seule alliance possible serait celle des états de l'ASEAN contre la Chine, mais L'ASEAN a été définie lors de sa création comme une alliance économique et non militaire. De plus des pays comme Singapour ou la Thailande ont créé des liens étroits avec la Chine.

La course aux armes est évidente dans la région; la part de budget consacrée aux dépenses militaires a augmenté dans toutes les recettes des membres de l'ASEAN. Quant à la Chine elle mène un projet de modernisation de sa marine ayant pour objectif de pouvoir projeter une force militaire sur tous les océans. Son but étant de prendre et de conserver les Spratly, ce qui pour le moment lui est impossible dû à l'absence de porte-avions.

Il est donc clair que le risque de guerre est bien réel il ne manque plus que l'allumette pour mettre le feu aux poudres, celle-ci a de très fortes chances d'être l'acquisition d'un porte-avions par la Chine. Néamoins il ne faut pas oublier que toutes les parties engagées ont entrepris des discussions pour aboutir à une résolution pacifique du conflit. Mais seront-elles suffisantes? c'est ce que je vais étudier dans la 4e partie : Résolution du Conflit.


Résolution du Conflit

Afin d'éviter de nouveaux affrontements meurtriers comme en 1988, les protagonistes ont entrepris au début des années 90 une série de conférences.

Le role de l'ASEAN dans les négociations

Route des petroliers en AsieL'ASEAN est à l'origine de nombreuses réunions intergouvernementales. Son principal élément est le FRA (Forum Régional de l'Asean) qui réunit depuis 1994 les membres de l'ASEAN, les 7 plus importants partenaires économiques (USA, Japon, Canada, Corée du sud, Australie,Nouvelle Zelande et l'Union Européenne) plus 4 observateurs (Russie, Chine, Laos et Papouasie Nouvelle Guinee). Cet organisme présente l'avantage de réunir toutes les parties concernées autour d'une table de négociation mais son caractère trop officiel le prive d'efficacité. Un an auparavant fut créé deux groupes d'études pour une résolution pacifique du conflit : il sagit l'ASEAN ISIS (Institute of Strategic and International Studies) et du CSCAP (Council for Security and Cooperation in Asia). Ils sont tous les deux composés d'experts (juristes,militaires,scientifiques...) représentant leur gouvernement, mais leurs reunions ont plus un caractère privé. Ainsi leurs travaux sont à l'origine de nombreuses propositions qui depuis plus de 5 ans font évoluer le conflit vers un dénouement pacifique.

L'Indonésie comme médiateur

Pays neutre dans le conflit des Spratly (sa souveraineté sur Natuna n'étant pas contestée), l'Indonésie tente depuis 1990 de réconcilier les protagonistes autour d'un accord commun. Ali Alatas

Ali Alatas ministre des affaires étrangères indonésien a donc organisé une série de conférences réunissant les 6 pays concernés plus la Thailande, Singapour et le Laos qui ne possède pas d'accès à la mer. L'Indonésie montre ainsi que la stabilité de toute l'Asie du sud-est dépend de la résolution pacifique de ce conflit. Lors des sessions un accord a été trouvé - les états ne sont pas nommés - pour faire siéger en même temps des représentants de la Chine continentale et de Taiwan. L'Indonésie possède une grande expérience des conflits internationaux à propos de l'exploitation des fonds marins. En effet, celle-ci voudrait que les bélligérants adoptent un traité qui se baserait sur le modèle du Timor Gap Treaty (accord entre l'Indonésie et l'Australie pour l'explotation conjointe d'hydrocarbures dans des eaux revendiquées par les deux pays). Son but est donc de séparer la partie stratégique (contrôle des îles) de la partie économique (ressources minérales); ainsi en résolvant le deuxième conflit elle espère que les belligérants accorderont moins d'importance au contrôle des Spratly et par là réduiront énormément les tensions régionales. Cependant cette vision se heurte à deux grosses difficultés: la première est la mise en accord de six pays demande beaucoup de temps (le Timor Treaty Gap avec seulement deux béligérents fut négocié pendant 7 ans), la deuxième, à mon avis la plus importante, est que le vision indonésienne se heurte à l'intransigeance chinoise qui considère le contrôle des Spratly avant tout comme une nécessité pour la sécurité de son pays.

Néanmoins les conférences ont abouti en 1992 à l'accord de Manille, où les pays s'engagent à ne pas utiliser la force pour le contrôle de nouvelles îles. Même si la Chine n'a pas respecté cet accord (et continue de l'ignorer en construisant des fortifications sur Mischief Reef) celui-ci constitue un grand pas dans l'avancée du conflit vers une résolution pacifique.

De gros efforts ont donc été entrepris pour trouver pacifiquement un accord au conflit des Spratly mais plus ce dernier traîne en longueur et plus le déséquilibre entre la Chine et les pays de l'ASEAN grandit; de plus l'intransigence chinoise bloque toutes les prises de décisions lors des néegociations.


Actualité du Conflit

23 mai 1999

Un navire de pêche chinois coulé et deux autres endommagés, c'est le bilan du dernier accrochage dans les Spratly au large de Mischief Reef. Rien n'indique que les Philippines sont responsables de cet incident néanmoins on peut craindre un accroissement des tensions dans la région; en effet alors que les relations Chine - USA sont au plus bas (affaire d'espionnage et bombardement de l'ambassade chinoise à Belgrade), les Philippines viennent de renouer leur engagement de coopération militaire avec la marine américaine (annulée en 1992). Des exercices conjoints auront donc lieu au large des côtes de Palawan. Ce retour des Etats Unis dans la Mer de Chine du Sud est très mal vu par Beijing dont la suprématie risque d'être contestée.

source: The Economist 29 mai 1999

13 janvier 1999

Le ministre de la Défence des Philippines Orlando Mercado a déclaré lors de sa visite aux USA que la Chine était opposée à toutes discussions concernant les îles Spratly. Ainsi la Chine veut protester contre le fait que les Philippines recherchent le soutien de la communauté internationale pour ses revendications en mer de Chine du Sud.

source: BBC world Service

15 novembre 1998

Dans une interview donnée a la télévision nationale le président des Philippines Joseph Estrada propose le tenue d'une conférence sur les Spratly. Il a affirmé que le conflit des Spratly ne pouvait se résoudre que par un accord diplomatique. Le président veut ainsi renouer le dialogue avec la Chine après les incidents du mois dernier. Il a de plus assuré que la marine de son pays n'a pas recu l'ordre de tirer sur les bateaux chinois dans la zone contestée.

source: Philippine Headline news online


Liens et Ressources

Source:
http://membres.lycos.fr/spratly/